Christine Henry – Artiste

Piqué fleuri de Provence

2012

Ce carré est une illustration de la vie de la Provence du XVII au XIXe siècle à travers l’évolution du costume provençal. En effet, c’est au XVIIe siècle que Marseille intensifie ses rapports commerciaux avec l’Italie et les Echelles du Levant et au XVIIIe siècle, c’est l’épanouissement complet. Ainsi arrivèrent par bateau à Marseille les Indiennes et piqués que vont adorer les provençaux.

La Provence est déjà un pays de très ancienne tradition textile : tissage de la laine et du chanvre, lin et soie. On y utilise déjà depuis longtemps les plantes de la région pour colorer les tissus. Les cotons imprimés qui arrivent d’Inde et du Levant représentent des motifs exotiques avec une technique d’impression qui utilise des moules de bois gravés. Par tâtonnements successifs, les techniques d’impression provençale se perfectionnent afin d’acquérir la souplesse d’impression pour représenter fleurs et animaux car il y a un réel engouement pour ces tissus imprimés. Dans un premier temps et devant la nouveauté d’impression a acquérir, les ateliers recopieront purement et simplement les motifs des indiennes déjà existantes. La vie de ces cotons imprimés durant cette époque fut mouvementée. Ils connurent la prohibition à la demande des autres artisans du tissu en France, jaloux d’un tel succès. Des ateliers clandestins se créèrent en Provence pour continuer cette fabrication. En 1759, il y a enfin le lever de l’interdiction et le début d’impression dans les ateliers de Jouy-en-Josas pour répondre à la demande. Puis les manufactures d’Alsace s’y mettent aussi.

Le XIXe siècle verra s’accroître l’essor industriel de cette région et confirmera le triomphe des grandes fabriques alsaciennes d’impression de tissus. En 1855, la machine à coudre apparut et elle eut un succès phénoménal. A tel point qu’il était de bon ton de bien laisser apparaître les piqûres sur les vêtements lorsque l’on était l’heureux possesseur d’un telle machine.

Ce carré est réalisé comme un patchwork, assemblage de tous les styles d’imprimés représentatifs de ces époques. Le patchwork est le reflet d’une habitude en Provence, où par souci d’économie, aucun bout d’étoffe ne se perdait, et les provençales se confectionnaient des jupons, du linge de maison, en assemblant différents morceaux de tissus de la façon la plus harmonieuse possible. Il est intéressant de voir à quel point la manière de se vêtir, les modes et les traditions vestimentaires, sont en fait un révélateur de l’histoire humaine, de l’évolution des sociétés au travers de multiples échanges culturels.

© 2024 Christine Henry – Artiste